Chili et Bolivie



Le vent sur les laves

 

 

Le vent fuit sur les laves. Les cailloux épars parsèment l’étendue. Le silence des volcans étreint le regard, tandis que le bleu du ciel courbe les paupières. Une densité trapue mais légère est répandue en flaque.

 

Je cherche un mouvement : mon ombre oui, mais si je m’arrête ? Quelques buissons pâles se meuvent au vent. Tant d’épines, et si rigides, si claires. C’est la présence du vent ailleurs que dans mes cheveux, sur la peau de mon cou.

 

Je cherche un mouvement : serait-ce des nuages qui s’effilochent au loin ? Il y a le battement de mes tempes. Et le sifflement aux oreilles. Les pierres, ces pierres de lave qui rendent un son de tuile à mon soulier, pourquoi ne galoperaient-elles pas ? Le silence se met à bouger.

 

Dans le creux de ce grand muscle de lave qui noue le sol, il marche. Poussant ses ânes devant lui, son chien fatigué en arrière. Seul se détache sur le brun-gris son pantalon clair. Je sais qu’il m’a vu, bien avant moi. Je descends à sa rencontre dans le sillon bombé.

 

Les ânes s’arrêtent un instant. Puis repartent. Je crois qu’il me fait un signe. Il appelle son chien qui était déjà vers moi. Il est large et courbé. La peau si sombre, d’étranges paupières à l’envers laissent couler le fil du regard noisette. Tout ébouriffé : la veste, le menton, les sourcils, les cheveux. Pieds nus dans des sandales en cuir et pneu. Un grand sourire intérieur, qui n’arrive pas à se glisser entre ses lèvres minces.

 

- Où vas-tu ?

- Par là. Et toi ?

- Là-bas.

- D’où viens-tu ?

- Du sel. De Chiu-Chiu.

- C’est loin.

 

 

- Où vis-tu ?

- Près du volcan.

- Ah...

 

 

- À bientôt.

- Oui.

 

Son sourire est venu dans les rides de son visage.

 

Je ne le regarde pas s’éloigner, je sais son pas plus rapide : par l’avance des ânes ? Je ne me retourne pas.

 

Je sais le mouvement : mon ombre oui, car jamais je ne m’arrêterai.