Chili et Bolivie

 


Cerros

 

 

Caminar. Marcher. Caminar. Une montagne, puis l’autre. Le sentier disparaît au bord du ciel. S’il continuait ?

 

Tant de jours sans parler. Depuis que l’on marche dans les cerros : presque toute la vie. On ne peut rien dire aux autres. Les lamas comprendraient mais ils refusent. Ils ne sont jamais à personne, comme les gens.

 

Mais les cerros, mes cerros, savent. Cerros de mes frères, d’avant, de bien avant et de tous ceux après. Trace de tous leurs pieds que le vent a caressée, que le cerro a gardée dans la blessure du sentier.

 

Alors, comme moi, ils ont crié, ils ont parlé. Immobiles, la tête en avant, les yeux fermés, leur cri est venu, lent et long. Toutes les pensées de toute une vie, en un long cri, toutes en plusieurs longs cris. Et les cerros, mes cerros à moi, les cerros de mes frères, les ont pris, ces cris, avant le vent. La chair du cerro est de tous ces cris. Pierres de cris que je prends, que je garde dans ma poche. Eux aussi se sont penchés, se pencheront, comme moi, interminablement.